01 avril 2022
Construit autour d'un mythe dont l'origine remonte au légendaire couple royal Mahasammatha, le Kolam comporte plusieurs épisodes sans rapport véritable entre eux, la narration prenant la forme de dialogues, de textes en vers, de danse et de mime. Principalement organisée pour guérir une femme enceinte des désirs maladifs qu'elle est censée éprouver, à l'image de la reine Mahasammatha et selon la croyance populaire, cette « pièce dansée » est porteuse d'un message moral. Elle s'appuie sur la vie de Bouddha ou sur une histoire à connotation ironique traitant de la condition humaine.
L'objet en bois polychrome, conservé au Mask Museum d'Ambalangoda[1] le haut lieu du masque à Sri Lanka, est l'œuvre du membre le plus illustre de la lignée des mythiques Ariyapala, Ariyapala gurunnanse [maître].
Ce masque représente le « démon-cobra » auréolé d'un éventail de cobras disposés en deux registres superposés, et répartis en trois zones qui soulignent l'architecture de la tête et forment le front et les deux oreilles du démon. Les nuances de gris et d'ocre, de jaune et de vert, proches de la couleur naturelle des serpents, s'opposent au chromatisme rouge vif de la face. Par le jeu du contraste et l'alternance des couleurs, l'artisan souligne la structure tripartite de l'objet tout en créant un effet de grouillement, de prolifération des serpents. Les yeux du démon jaillissent de leurs orbites ; de ses narines émergent deux cobras. Sa gueule entrouverte aligne des canines démesurées, élément caractéristique de tous les masques de démons sri lankais.
L'apparition de Nâga Rassa sur la scène s'inscrit dans le Rassa kolama qui voit défiler vingt-quatre démons ; il introduit dans le spectacle une dimension d'épouvante destinée à chasser les désirs maladifs qui ont pris possession du corps de la reine mythique[2]. Si à sa vue la scène tremble, son destin n'en va pas moins rapidement basculer face à Gurula, le roi des oiseaux et l'ennemi des serpents [3] : Gurula va éloigner le démon et rétablir l'ordre, comme il le fit jadis, selon la légende, lorsque, à l'aube des temps, il a anéanti les serpents venimeux de Sri Lanka.
Ce masque qui devait fasciner et effrayer les spectateurs ne manqua pas d'intriguer les chercheurs ; il fut connu en Europe, dès le début du XIXe siècle, par les écrits des observateurs anglais. L'une des représentations de Nâga Rassa fut exposée au pavillon de Ceylan de l'exposition universelle qui se tint à Paris en 1900. Le Nâga Rassa illustre la complexité de la mythologie cinghalaise où les frayeurs populaires véhiculées par la mémoire collective se mélangent aux légendes et aux religions.
05 janvier 2024
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